Texte du discours de M. Pierre Olivier Drège - 27 mai 2005

Texte du discours de M. Pierre Olivier Drège - 27 mai 2005Directeur général de l'Office National des Forêts Assemblée générale de la FNCOFOR, 26 & 27 mai 2005

ASSEMBLEE GENERALE FNCOFOR

Opio, 27 mai 2005

Monsieur le Président

Monsieur le Président du Conseil Régional,

Monsieur le Président du Conseil Général

Messieurs les parlementaires,

Mesdames et Messieurs les Maires,

Il y a tout juste deux ans, je m'adressais à vous quelques jours après ma nomination comme DG de l'ONF.

L'ONF connaissait une passe difficile, les tempêtes de 1999, une réorganisation nécessaire mais engagée dans des conditions difficiles, des pertes préoccupantes de 90 M€ en 2002.

Je me suis attaché avec toute l'équipe de l'ONF à rétablir l'équilibre et à consolider la structure. Nous suivons précisément le plan de redressement que j'avais présenté au Gouvernement. Nous serons je pense à l'équilibre en 2005.

Je tiens à remercier la FNCOFOR, et à travers elle l'ensemble des Maires, de leur soutien durant cette période délicate.

L'ONF n'existe que par et pour la forêt publique, c'est-à-dire d'abord pour la forêt communale et bien sûr pour la forêt domaniale.

Nous nous sommes attachés avec le Président GAILLARD à clarifier nos relations dans le cadre de la Charte de la Forêt Communale signée fin 2003 et qui est maintenant pleinement en application.

1. Le Marché du bois 

Ce redressement nécessaire et attendu se fait dans des conditions rendues particulièrement difficiles par le marasme persistant du marché du bois. C'est vrai pour l'ONF, c'est vrai pour les communes forestières.

100 M? de pertes de recettes dites-vous pour les communes c'est exact, pour un chiffre d'affaires de 270 M? avant tempête (90 M? de pertes pour l'ONF). Que ne ferions-nous avec 100 M? de recettes complémentaires chacun !

Alors le doute s'installe : les pronostics des experts étaient faux, le marasme est structurel, notre partenaire et prestataire qu'est l'ONF a-t-il les compétences requises pour commercialiser en période de crise. Faut-il continuer à faire des travaux ?

Ces questions sont légitimes elles ne sont pas sans réponse.

Les causes tout d'abord : les suites de la tempêtes bien sûr, mais aussi l'Euro, la compétition internationale, les importations, la faiblesse de notre industrie de transformation, l'évolution de la grande distribution.

Mais voyons aussi les signes positifs : la demande exceptionnelle du marché de la construction avec des mises en chantier supérieures de 20% à la moyenne des 10 dernières années ; la hausse des prix des produits concurrents : acier, pétrole, PVC ; l'image du bois, matériau noble et renouvelable?

? et finalement le raffermissement des cours, sensible depuis ce printemps ; le marché se redresse, lentement mais sûrement :

Le chêne est très demandé,

Les résineux blancs se redressent  assurément

Les résineux rouges sont à nouveau demandés

Seule exception notable : le hêtre qui n'a plus de marché et c'est effectivement préoccupant.

Mais les cours restent bas, même s'ils progressent un peu. Face à un tel défi nous devons nous poser un certain nombre de questions, nous remettre en question, sans mettre en cause la gestion durable des forêts publiques.

Diminuer nos coûts c'est assurément notre priorité à l'ONF, même si cette opération est douloureuse : - 2 à 3% d'effectifs chaque année depuis 3 ans.

Faire évoluer les modes de ventes : la LDTR met désormais à égalité les ventes traditionnelles par adjudication et la vente de gré à gré qui va permettre enfin le développement des contrats d'approvisionnement dont on parle depuis si longtemps. Le Conseil d'Administration de l'ONF en décidera le 30 juin prochain. Il y aura des contrats nouveaux en 2005, à condition bien sûr que ce soit notre intérêt c'est-à-dire celui des communes et celui de l'ONF.

Je reviens d'Autriche, où la filière bois est très dynamique et largement exportatrice et qui, contrairement à la France transforme 2 fois plus de bois qu'elle n'en produit. Pourtant ce ne sont pas les conditions sociales, fiscales, environnementales qui veulent cela. Elles sont au moins aussi contraignantes qu'en France sans compter la taxe prohibitive sur le transport routier.

Or l'ÖBF, l'ONF autrichien, commercialise 97% de ses bois « rendus usine » et non sur pied. La sécurité et la qualité du service qui en résulte suscite investissement, relocalisation, valeur ajoutée, innovation, exportation de produits finis . Ce n'est pas là un modèle, mais une référence à méditer.

Nous devons donc aller vers la vente de gré à gré, le contrat d'approvisionnement. C'est bon pour la forêt, c'est bon pour l'investissement, c'est bon pour l'emploi en milieu rural, c'est je le pense bon pour les communes forestières.

Il faut le faire avec du bois sur pied, mais aussi avec du bois façonné bord de route, voire rendu usine s'il le faut.

Mais pour cela, nous devrons changer de méthode : pour l'ONF sortir du confort de la vente sur pied, pour les communes aussi. Prendre des engagements à moyen terme. Peut-être perdre légèrement sur une opération isolée pour gagner sur la durée et disposer d'une recette stable et prévisible, ce qui est important pour une commune.

L'ONF doit pour cela associer les communes, leur faire une place dans la prise de décision. Des comités de pilotage des contrats seront mis en place au niveau national, territorial et local selon les besoins. Les maires  seront bien sûr sollicités car il sera nécessaire de s'engager à livrer dans la durée. Ceci nécessitera un débat et une délibération du Conseil Municipal ; cela nous obligera peut-être à renoncer à faire « un coup » pour garantir à la commune une recette stable et apporter à l'industriel une visibilité qui lui permettra plus tard d'investir.

Les acheteurs doivent eux aussi changer de logique et renoncer à une économie de cueillette où l'on fait sa marge à l'achat « sur le dos du producteur » pour se concentrer sur la transformation, l'innovation dans de nouveaux produits, le marketing et la commercialisation de produits finis.

C'est là une évolution qui ne mérite pas d'être tapageuse mais qui est décisive, pour l'ONF comme pour les communes et à laquelle je vous invite. Il y va dans un premier temps de la survie, puis ensuite du développement, d'un secteur d'activité entier qui a la chance de s'appuyer sur le 3ème massif forestier d'Europe.

2. L'activité conventionnelle

Dans une région comme celle qui nous accueille, nos relations vont bien au-delà des seules questions de ventes de bois. Les dimensions forêt de protection, accueil du public, défense contre l'incendie sont le quotidien de nos relations avec les maires. Je souhaite qu'en cette matière comme ailleurs nous puissions développer nos relations conventionnelles au-delà du régime forestier proprement dit. L'expérience de l'ONF et de ses agents est en ces domaines, nous le savons, un gage de professionnalisme et une sécurité pour les maires. L'ONF doit bien sûr être compétitif car nous sommes dans le domaine concurrentiel. Les maires, pour les opérations importantes, ont le devoir de procéder à des appels d'offre. Nous nous y prêtons bien volontiers. Pour les petites opérations par contre, cela peut-être décidé de gré à gré, ce qui évite heureusement des frais administratifs disproportionnés.

N'hésitez pas à faire appel à l'ONF pour toutes ces prestations en forêt et hors forêt qui touchent à la gestion du milieu naturel. C'est notre métier. De plus, utiliser l'ONF permet, vous le savez, de consolider une présence sur le terrain à laquelle je sais que vous êtes attachés. Cette présence ne serait pas maintenue à ce niveau en l'absence d'activités conventionnelles.

Dans ce cadre, je pense qu'il faut souligner la convention cadre que nous avons signée en région PACA entre le Conseil Régional et l'ONF, la première du genre. Je vous remercie de votre confiance, Monsieur le Président du Conseil Régional. Il est maintenant possible d'inscrire les opérations annuelledans une perspective à long terme.

Dans ce département des Alpes Maritimes, il faut bien sûr aussi citer la convention DFCI signée avec le Conseil Général qui s'ouvre vers la prise en charge de nouveaux risques naturels. Il y a là un partenariat opérationnel à grande échelle qu'il convient de saluer.

Le Ministre a annoncé qu'un prochain CIAT traiterait de questions forestières. Cela fait longtemps que cela n'a pas été le cas. Ce doit être l'occasion Monsieur le Président pour l'ONF et la FNCOFOR de préparer en commun une série de propositions qui s'appuient sur les expériences acquises. Ce sera je pense l'une de nos tâches des prochaines semaines en étroite liaison avec le Ministère de l'Agriculture et de la Forêt.

3. Le bois énergie

Parmi les activités nouvelles dans lesquelles nous nous investissons ensemble en ce moment, ONF et communes, je voudrais en évoquer une qui est de particulière importance. Je veux parler du bois énergie. L'un des ateliers d'hier était consacré à ce sujet. Nous avons vu des réalisations locales très novatrices qui permettent de faire le lien entre une action de prévention incendie nécessaire mais coûteuse et une exploitation du bois qui retrouve ainsi une véritable destination. Jean-Claude MONIN a eu l'occasion d'exprimer à cette occasion tout l'intérêt des maires à ce sujet avec la détermination et l'enthousiasme qu'on lui connaît.

Là aussi il convient d'aller de l'avant, qu'il s'agisse de réaliser des réseaux de chaleur communaux proches du terrain, qui valoriseront les bois de la commune. Qu'il s'agisse de projets plus importants, de centrales de cogénération au niveau d'agglomérations plus importantes ou de communautés de communes. Elles nécessitent alors un système d'approvisionnement plus vaste qui allie des plaquettes forestières à d'autres sources comme les bois de récupération. Il est important que nous mettions en place les outils techniques, juridiques et l'organisation qui nous permettent de répondre à la demande des exploitants. Ceux-ci veulent avoir en face d'eux un interlocuteur unique qui s'engage en quantité, en qualité et en prix sur la livraison du combustible. Notre organisation communes/ONF présente l'avantage par rapport à d'autres de répondre à ce besoin. Le nouveau dispositif de ventes groupées de bois communaux prévu par la LDTR nous confortera en ce sens. Il est important que le Ministre ait insisté hier sur la prochaine publication du décret correspondant.

4. Les crédits carbone

Pour terminer, je voudrais dire un mot des « crédits carbone » et du Protocole de Kyoto. Beaucoup en parlent et peu se représentent les implications concrètes, pour les propriétaires de forêts notamment. Il faut savoir que selon une étude récente dont dispose l'ONF, la forêt française dans sa globalité est en période de capitalisation massive contrairement à une idée reçue, complaisamment colportée par certains, par analogie à ce qui se passe pour la forêt tropicale. La forêt française, stocke annuellement 65 Mt de CO², non pas dans l'absolu mais en net.  Ce chiffre correspond précisément à la totalité de l'effort annuel de réduction d'émission de gaz à effet de serre auquel notre pays s'est engagé.

Il serait maladroit d'en conclure que grâce à la forêt, notre pays n'aurait qu'à laisser faire. Mais cela signifie que la contribution de la forêt à la solution de ce problème majeur de société est très significative.

Il est donc de notre responsabilité de contribuer à élaborer un ensemble de propositions pour que les propriétaires et singulièrement les collectivités soient non seulement parties prenantes, mais aussi les bénéficiaires directs des mécanismes qui seront mis en place au cours des prochaines années.

Il est d'ores et déjà important que le Gouvernement ait retenu comme nous l'a confirmé Monsieur BUSSEREAU hier, une proposition à laquelle l'ONF avait contribué. Elle figure désormais dans le projet de Loi d'Orientation Agricole : la forêt a vocation à participer aux mécanisme de marché des crédits carbone qu'elle génère, ce qui n'est pas le cas actuellement où cette faculté est réservée au secteur industriel.

C'est là le début d'un chemin qui sera long, mais qui peut apporter légitimement à la forêt et singulièrement à la forêt publique des ressources complémentaires. Celles-ci seront la juste contrepartie de la contribution décisive que la forêt apporte au titre de services non marchands qui sont pourtant essentiels pour nos concitoyens. Il est important qu'en cette matière comme en d'autres les communes forestières et l'ONF fassent entendre leur voix et soient une force de proposition majeure. Tel est l'enjeu du groupe de projet que nous sommes en train de constituer avec la FNCOFOR et le Ministère de l'Agriculture.

Sur ces sujets, comme sur beaucoup d'autres que le temps imparti ne m'a pas permis de traiter, j'espère vous avoir convaincu que l'ONF, qui a certes une longue tradition, bougeait avec son temps. Que l'ONF cherchait à avoir un temps d'avance sur l'événement. Que nous cherchions bien sûr à agir de conserve avec nos partenaires privilégiés que sont les communes forestières, représentées comme il se doit, Monsieur le Président, tant au niveau national que régional ou local par la FNCOFOR.

Je vous remercie.