Texte du discours de M. Dominique Bussereau - 26 mai 2005

Texte du discours de M. Dominique Bussereau - 26 mai 2005Ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et de la Ruralité Assemblée générale de la Fédération nationale des communes forestières de France (FNCOFOR) OPIO, 26 & 27 mai 2005

Assemblée générale de la Fédération nationale des communes forestières de France (FNCOFOR)

Dominique BUSSEREAU, Ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation,
de la Pêche et de la Ruralité

OPIO, le 26 mai 2005

Monsieur le Président, cher Yann Gaillard,

Monsieur le Président délégué,

Monsieur le Président du Conseil Général,

Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

Mesdames et Messieurs les Députés,

Mesdames et Messieurs les Maires,

C'est avec beaucoup de plaisir que je suis cet après-midi parmi vous. Je souhaite témoigner par ma présence à la fois du rôle essentiel des communes et de votre fédération dans la politique forestière de notre pays, mais au-delà, d'une conception partagée, sur l'importance de la forêt et du bois dans le développement durable et dans l'équilibre des territoires ruraux.

Lors de ma communication sur la politique forestière au Conseil des Ministres le 27 avril dernier, j'ai souligné l'importance de la filière forêt-bois dans l'activité économique de notre pays, son rôle dans le maintien des grands équilibres sociaux et environnementaux et le grand potentiel de développement existant.

Il s'agit d'un atout majeur pour la France. C'est pourquoi la forêt doit être considérée comme une composante essentielle des équilibres socio-économiques locaux et un élément fédérateur entre le monde urbain et le monde rural.

Pour atteindre cet objectif, je sais que je peux compter sur le soutien actif des élus et particulièrement des maires des communes forestières ; c'est la raison pour laquelle je tenais à m'adresser à votre assemblée.

Je ne méconnais pas les difficultés que vous rencontrez, au quotidien, pour faire avancer tel ou tel dossier. Je n'ignore pas non plus la nécessité d'inscrire votre action dans la durée et la nécessité d'une stabilité des règles et des financements publics. Vous avez évoqué ces différentes préoccupations, Monsieur le Président, et je voudrais y répondre au plus juste, pour dissiper tout malentendu et lever toute ambiguïté.

J'aborderai cet après-midi trois directions essentielles de notre politique forestière :

-  la valorisation de la forêt, source de croissance et d'emplois,

-  la gestion durable de nos forêts,

-  enfin, les perspectives nouvelles liées à la biomasse.

I - Nous voulons valoriser la forêt, source de croissance et d'emplois

Chaque année, notre forêt produit naturellement 90 millions de m3 de bois, dont 14 millions de m3 en forêt communale. Cette ressource naturelle renouvelable, utilisable comme matière première ou comme source d'énergie, constitue une chance pour la France. Pourtant, elle reste insuffisamment exploitée et notre balance commerciale, pour l'ensemble de la filière, est chroniquement déficitaire de plus de 3 milliards d'euros.

Le dynamisme de la filière bois repose sur une mobilisation déterminée de notre part pour en accroître la compétitivité grâce à une action dans trois directions. 

Mobiliser la ressource disponible

La compétitivité de nos entreprises sera assurée grâce à des conditions d'approvisionnement stables et adaptées. La loi relative au développement des territoires ruraux a confirmé la diversité des modes de commercialisation pouvant être utilisés pour les forêts publiques gérées par l'ONF. Le décret assouplissant les modes de commercialisation les concernant sera transmis à la fin du mois au Conseil d'Etat et permettra que les ventes de gré à gré ne soient plus l'exception. Ensuite, le conseil d'administration de l'ONF arrêtera son règlement de vente. J'ai d'ores et déjà demandé à l'ONF d'engager le lancement de contrats d'approvisionnement avec les industries.

Cette loi facilite également la réalisation de ventes groupées de lots de bois issus de différentes communes forestières, qui permettra de mieux répondre à la demande des industries. La rédaction du décret correspondant est bien avancée, avec la participation active de votre fédération et de l'ONF.

Par ailleurs, l'Etat amplifie son action en faveur de la recherche-développement (7ème programme cadre de recherche et développement, Eramet, Pôle de compétitivité?) et encourage l'utilisation du bois dans la construction.

Transporter les bois à moindre coût

La compétitivité nécessite une diminution importante des coûts de transport des bois. Le Gouvernement veillera à ce que tous les départements définissent avant la fin 2005 des itinéraires adéquats, constituant un véritable schéma départemental de desserte mobilisable jusqu'en 2009.

Les Préfets de Région ont été sensibilisés à la nécessité d'assurer la cohérence entre ces itinéraires. Je compte sur votre soutien et votre action auprès des départements pour que nous obtenions partout satisfaction.

Renforcer la structuration de la filière

Préalable indispensable à la pleine mobilisation des bois, le renforcement de la filière a bénéficié de la forte implication de votre fédération. L'agrément par l'Etat de l'interprofession France Bois Forêt présidée par Dominique JUILLOT est imminente ; mieux structurée, la filière pourra mener des actions collectives comme la promotion du matériau bois et la création d'un observatoire économique de la filière bois.

Le principe d'une action commune interprofessionnelle s'est d'ailleurs manifestée avec force dans le déploiement de la certification PEFC, système majoritairement choisi par toute la filière. J'invite les communes forestières à s'engager résolument sur cette voie de l'écocertification.

II - Deuxième axe de notre politique forestière, il est essentiel de conforter la gestion durable des forêts

Contribuant au développement durable, la filière bois reçoit le soutien du Gouvernement à travers trois axes :

-  la définition d'outils attendus tel le Fonds d'Epargne Forestière (FEF),

-  l'engagement de l'Etat qui se manifeste notamment par le partenariat avec l'ONF,

-  l'attention portée au maintien de mesures forestières dans le futur règlement de développement rural 2007-2013.

II - 1 Le fonds d'épargne forestière sera prochainement opérationnel

Je me réjouis d'avoir pu co-signer le décret créant le FEF, attendu depuis le vote de la loi d'orientation sur la forêt en 2001. Répondant aux attentes des communes forestières, le fonds d'épargne forestière leur permettra de placer ainsi une partie de leurs recettes de bois pour constituer une capacité d'investissement. Un appel public à concurrence sera mis en place d'ici l'été 2005 pour sélectionner l'établissement financier gestionnaire du fonds.

L'arrêté, fixant les modalités financières, a été signé la semaine dernière par le Directeur Général de la Forêt et hier par les Directeurs du Budget et du Trésor. Sa publication est donc imminente. L'appel d'offres, pour choisir l'établissement bancaire gestionnaire, sera lancé au plus vite afin que le dispositif soit pleinement opérationnel à la rentrée.

J'ai particulièrement veillé à l'attractivité de ce dispositif : la prime d'épargne versée aux communes, en cas d'emprunt pour réaliser un investissement forestier, sera égale à 85 % des intérêts acquis grâce à la rémunération de leur épargne, avec un plafonnement à 7 500 euros.

II - 2 L'engagement de l'Etat à travers l'ONF

Grâce à une réforme réussie, les comptes de l'ONF ont été rétablis en deux ans. Je salue  l'action déterminée et l'efficacité de Pierre-Olivier Drège, son Directeur général, qui a su opérer le redressement indispensable après les grandes difficultés traversées par l'Office.

Nous savons tous le lien très étroit qui vous lie à l'Office national des forêts, lien qui ne tient pas au seul Régime forestier.  Comme mes prédécesseurs, je veille à respecter les engagements de l'Etat mentionnés dans le contrat d'objectifs 2001-2006 et notamment la stabilité du montant du versement compensateur.

Dans un contexte budgétaire tendu, je maintiendrai le soutien de l'Etat aux forêts communales.

Le versement compensateur représente près de la moitié des crédits affectés par l'Etat au secteur forestier. Quelle que soit la contrainte budgétaire, je suis attentif à la pérennité de ce dispositif de péréquation et des avantages du système actuel, dont il faut défendre le dossier et combler le déficit d'explication et de communication. Dans mon esprit, quel que soit le dispositif d'application, la solidarité nationale a tout son sens pour tenir compte des services rendus à la collectivité par les forêts communales, de même que la fiscalité est aménagée au bénéfice de la forêt privée.

Je voudrais insister sur l'importance de la contractualisation des relations sous la forme d'un contrat d'objectifs entre l'ONF et l'Etat : il devra bientôt être renégocié pour la période 2007-2012 et le Gouvernement engage dès maintenant sa préparation. Bien entendu, votre fédération sera activement et étroitement associée à ce travail préparatoire.

II - 3 La gestion durable des forêts de montagne et la programmation du RDR

Un dispositif innovant pour aider les forêts de montagne à rôle protecteur

Vous avez évoqué une aide de type « ICHN » et je comprends bien le parallèle que vous faite avec l'ICHN agricole. Pour autant, les modalités de calcul et de mise en ?uvre d'une indemnité compensatoire, sur le modèle de l'ICHN agricole, ne seraient pas adaptées à l'exploitation des forêts de montagne : la définition d'un zonage et de barèmes d'indemnisation est malaisée et les versements annuels peu adaptés aux interventions sylvicoles ponctuelles.

C'est pourquoi je me félicite du travail accompli pour examiner des solutions alternatives : vous avez récemment étudié avec mes services la possibilité de bâtir un dispositif qui réponde à une grande part de vos attentes, tout en restant compatible avec l'encadrement communautaire et nos possibilités budgétaires actuelles. Une aide forfaitaire doit encourager l'exploitation des coupes pour les forêts vieillies ayant un rôle de protection. Je souhaite que dispositif puisse être opérationnel dès cette année.

Le  nouveau règlement de développement rural 2007-2013 : un enjeu pour la forêt

La France soutient fermement le maintien de mesures forestières dans ce futur RDR, permettant de mobiliser des financements européens FEADER en faveur des forêts privées, des forêts des collectivités et des forêts domaniales.

Vous le savez, de tels financements ont permis, en complément de ceux de l'Etat, d'accompagner le vaste chantier de la reconstitution des peuplements sinistrés par les tempêtes de 1999. Vous m'avez fait part de vos inquiétudes sur la disponibilité de ces crédits dans les prochaines années, craignant qu'ils ne soient pas suffisants pour engager tous les dossiers de reconstitution restant à présenter par les communes forestières.

Le plan de reconstitution sur 10 ans, dimensionné à hauteur de 915 M? sera intégralement respecté, malgré le contexte budgétaire contraint. C'est un engagement de l'Etat qui sera tenu. La contribution de l'Etat à la reconstitution des forêts sinistrées par les tempêtes de 1999 représente déjà 585M? mobilisés, soit 64% du plan fixé pour 10 ans. Monsieur le Président, les crédits mis à disposition en 2005 pour la reconstitution des forêts sont supérieurs à ceux de l'année précédente et j'ai veillé à ce que l'ensemble du programme forêt, dont ils relèvent, soit exempt de gel budgétaire.

Pour autant, cinq ans après les tempêtes, anticipons la sortie de crise et regardons ensemble quels investissements privilégier et les aides les plus efficientes. Nous serons ainsi collectivement plus forts pour obtenir les moyens nécessaires au développement de la filière forêt-bois. A cet égard, je vous propose ainsi de faire un point précis sur la réalisation des opérations de reconstitution, avec l'ensemble des propriétaires forestiers, publics et privés, dans la perspective de la prochaine programmation 2007-2013 et, en tout état de cause, avant fin 2005.

III - Nous développerons la valorisation du bois énergie

Les communes forestières et leurs maires sont particulièrement attentifs à la valorisation des ressources forestières et aux atouts que présente la biomasse en terme d'emploi et de développement local.

Un atout économique en termes d'emploi et de production d'énergie

Le bois fournit aujourd'hui 9 millions de tep/an (tonne équivalent pétrole), soit 4% des besoins français en énergie. Le développement de ces utilisations énergétiques est indispensable pour atteindre les objectifs fixés, tant au niveau européen qu'au niveau national, et notamment celui de la loi sur l'énergie, avec une augmentation de 50 % de la production de chaleur d'origine renouvelable d'ici 2010.

C'est pourquoi, dans le projet de loi d'orientation agricole, le Gouvernement a décidé d'abaisser à 5,5 % le taux de TVA pour la fourniture de bois à usage non domestique. De même, dès que la directive communautaire sur la TVA sera révisée, le Gouvernement fera bénéficier les abonnements aux réseaux de chaleur de la TVA à taux réduit. Par ailleurs, l'ONF pourra s'engager et prendre des participations pour monter des filières d'approvisionnement.

En outre, les résultats du récent appel d'offres diligenté par le Ministère de l'Industrie, pour la fourniture de 216 MW d'électricité produite à partir de biomasse confirment le potentiel énergétique de la filière bois puisque 84% des approvisionnements des 14 projets retenus sont issus du bois ou de sous-produits des industries du bois. Près de 700 000 t de plaquettes forestières devront ainsi être mobilisées, à échéance de 2 ans, ce qui représente 6 à 7 fois plus que notre production actuelle.

Enfin, j'ai demandé à mes services de travailler avec ceux du Ministère de l'Industrie sur le niveau des tarifs de rachat de l'électricité pour les installations d'une puissance inférieure à 12 MW, qui ont été fixés en avril 2002. En effet, tant les choix des autres pays de l'Union européenne que le niveau de prix résultant du récent appel d'offre pour de plus grosses installations, montrent que les tarifs actuels sont particulièrement bas.

Pour aller plus loin, le Premier Ministre nommera prochainement un coordonnateur interministériel à mes côtés afin de donner un coup d'accélérateur à notre action sur la biomasse avec l'objectif par exemple d'améliorer les tarifs de rachats d'électricité produite à partir de biomasse.

Finalement, quatre conditions faciliteront le succès de l'orientation bois-énergie :

-  le développement de filières performantes de production et d'approvisionnement de plaquettes forestières. Je souhaite, à l'avenir, faire de l'investissement indispensable dans ce domaine l'une des priorité de mon ministère ;

-  l'appui de la filière bois : un équilibre devra être notamment trouvé entre acteurs de la filière trituration et ceux de la filière bois-énergie ;

-  la promotion auprès des acteurs locaux : à votre demande, mon ministère contribuera à hauteur de 60 000 euros dès cette année à une action d'animation et de conseil auprès des maires ;

-  enfin la mobilisation de l'ADEME doit aussi faciliter ce développement. 

Un atout en terme de développement durable

Le bois énergie participe également à l'amélioration du bilan des émissions de gaz à effet de serre. Près de 10% de nos émissions annuelles de carbone sont absorbées naturellement par la forêt. 

La valorisation de la biomasse forestière récoltée à des fins énergétiques (chaleur, bioélectricité, biocarburant?) se substitue à des énergies fossiles. C'est pourquoi le Gouvernement propose que le secteur forestier participe activement aux mécanismes de marchés prévus par le protocole de KYOTO visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. L'intégration de la gestion forestière et de l'utilisation du bois dans les mécanismes de marché apporteront une réponse concrète à la valorisation des fonctions actuellement non marchandes de la forêt. 

La contribution des acteurs forestiers au développement durable doit ainsi être valorisée économiquement pour qu'ils intègrent dans leurs choix cette participation et renforcent ainsi leur action au service de la lutte contre l'effet de serre.

La loi d'orientation agricole reconnaît cette contribution de la forêt à la lutte contre l'effet de serre. Elle devrait permettre d'habiliter le Gouvernement, par ordonnances, à prendre toutes les dispositions législatives nécessaires en ce sens. Il s'agit toutefois d'une direction, d'un objectif qu'il conviendra de concrétiser ensemble et je vous rappelle que la durée de cette habilitation, s'il elle est voté par le Parlement, sera de dix-huit mois.

Je suis d'ailleurs prêt à vous aider à conduite une étude de faisabilité pour préparer cette échéance, à condition qu'elle associe tous les propriétaires privés et publics. Les propositions du secteur forestier seront en effet d'autant plus crédibles qu'elles sont issues d'un constat partagé et d'une vision commune.

Conclusion

Monsieur le Président,

J'ai décliné les différents axes d'une politique forestière dont je souhaite que les développements nouveaux puissent être repris dans un prochain Comité interministériel et de développement du territoire (CIADT). J'ai, à cet effet, proposé au Premier Ministre qu'un volet forêt y soit intégré permettant d'examiner différents sujets comme l'assurance en forêt, le développement du bois énergie et de l'utilisation de la biomasse forestière ainsi que le renforcement de la recherche dans le secteur forêt-bois.

Je voudrais encore saluer l'action de votre fédération pour son implication et son efficacité dans la démarche des chartes forestières de territoire et dans celle des schémas de massifs forestiers.

Le Président de la République a énoncé un principe « économiquement efficace, écologiquement responsable » qui prend toute sa force dans le cadre de la forêt. Préserver l'environnement, ce n'est pas le laisser à l'abandon et nous sommes ici tous convaincus de la nécessité de le façonner, de définir une action et une orientation pour notre cadre de vie. Ma vision, je vous l'ai présentée : valorisation économique et environnementale.  Je souhaite que nous la partagions et que nous travaillions, dans une démarche de partenariat, à sa mise en ?uvre.

Je vous remercie de votre attention.