Texte du discours de M. Charles Ange Ginesy - 27 mai 2005

Texte du discours de M. Charles Ange Ginesy - 27 mai 20051er Vice-Président du Conseil général des Alpes-Maritimes (06) Congrès national des Communes Forestières de France, Opio -26 & 27 mai 2005

Monsieur le Président du conseil régional, Michel Vauzelle

Monsieur le président de la fédération nationale des communes forestières, Yann Gaillard

Monsieur le président de l'union régionale PACA , André Werpin

Monsieur le président de l'association des communes forestières des AM, mon ami Gaston Franco

Monsieur le directeur général de l'ONF, Pierre Olivier Grège

Mesdames et messieurs les élus

Mesdames et messieurs les directeurs et techniciens

C'est avec un grand plaisir que je représente ce matin, à l'occasion de cette assemblée générale de la fédération nationale des communes forestières, le président du conseil général des Alpes Maritimes, Christian Estrosi, retenu par une commission permanente départementale.

Si je vous parle de grand plaisir, c'est parce qu'en charge, au sein de la collectivité départementale, de la délégation à l'agriculture et à la forêt, j'ai aujourd'hui la possibilité de vous faire toucher du doigt la réalité de la politique départementale en la matière. Une politique volontariste et responsable mêlant incitations et aides financières aux propriétaires avec maîtrise d'ouvrage et implication directe sur le terrain.

Cette implication est la reconnaissance du rôle présent et futur de la forêt, au croisement des deux plus grandes préoccupations du conseil général :

  • l'aménagement du territoire, sachant qu'avec 200 000 hectares, soit 55% de la superficie départementale, les Alpes Maritimes sont le troisième département le plus boisé de France
  • et le développement économique des zones rurales, sachant encore que 2000 emplois sont rattachés directement à la filière bois  et que plus de 15000 sont rattachés à la filière agricole connexe. Sans compter ceux, encore plus nombreux, de la filière tourisme pour lequel la forêt représente un enjeu important pour les années à venir.

Oui la forêt tient dans le département une place prépondérante.

Oui la Côte d'Azur ne doit pas, vu de Paris ou d'ailleurs, être réduite à une image d'Epinal de  station balnéaire pour touristes nantis

Oui le département puise son énergie dans une ruralité prépondérante qui représente 80% du territoire. Je vous fais d'ailleurs remarquer que le fait que le président du conseil général et son premier vice-président, votre serviteur, soient issus de cantons ruraux est à la fois une preuve supplémentaire et une assurance pour l'avenir, de la place de la ruralité dans les Alpes-Maritimes.

Alors M. Gaillard, tout en vous remerciant d'avoir choisi les Alpes Maritimes pour organiser votre assemblée générale, laissez moi la fatuité de croire qu'il s'agit d'un choix raisonné rendant hommage à la politique que les acteurs de ce département mène à l'égard de la forêt .

Le conseil général s'est fixé comme principaux objectifs : la protection de la ressource et le développement de la filière bois.

Cette démarche s'est traduite au fil des ans par la mise en place de mesures incitatives à destination des propriétaires de bois (communes, regroupement de communes, particuliers et professionnels du bois) :

  • Aide à la première éclaircie, aide aux travaux forestiers, primes aux transports, au débardage par hélicoptère, par câble  ou par cheval, aide à la vente au bord de route.
  • Aide à l'investissement en chaufferie, collecte, stockage et conditionnement. Aide à l'acquisition de matériel d'exploitation, fonds de charge aux coupes.

En cas de difficulté conjoncturelle ou de crise factuelle, la solidarité départementale n'a jamais failli, comme en 2003, à la suite de la sécheresse, ou le département a voté une prime au bois débardé pour améliorer la rentabilité des coupes. Ou chaque fois à la suite de grands incendies, comme ceux de Lucéram ou de Cagnes sur Mer.

Justement, en matière de prévention des incendies, l'action du conseil général se manifeste par un soutien financier :

  • Aux travaux effectués dans le cadre des PIDAF (plan intercommunal de débroussaillement et d'aménagement forestiers).
  • Aux opération programmée d'amélioration et de protection de l'environnement OPAPE, avec un plafond conséquent de 300 000 euros par opération.

En matière de traitement sanitaire, comme celui contre la chenille processionnaire du pin, l'action se déroule même sous maîtrise d'ouvrage départementale en zone montagne.

Enfin, le conseil général soutient la création de chartes forestières de territoire, comme celle que notre ami Gaston Franco a conduite dans la Vésubie.

A travers la journée marathon que vous avez vécu hier par le biais de quatre tournées de terrain, vous avez pu vous rendre compte que l'effort du conseil général était non seulement bien concret mais aussi, harmonieusement réparti sur l'ensemble du territoire.

Au delà du dispositif général d'aide à la forêt, trois types d'actions méritent d'être mises en exergue par leur caractère emblématique.

1) Tout d'abord la politique en faveur des parcs départementaux.

A partir du produit de la taxe départementale des espaces naturels perçue sur les permis de construire (2%), le Conseil général a acquis et conforté 10 parcs représentant une superficie de 3150 hectares.

39 agents départementaux et 8 gardes nature, encadrés par 3 techniciens départementaux les gèrent au quotidien.

Prés de 600 000 euros sont dépensés chaque année pour y gérer les peuplements forestiers.

Ces parcs sont « vivants », 350 journées « animations nature », en collaboration avec l'inspection académique, y seront organisées en 2005 à destination des collégiens des Alpes Maritimes afin de les sensibiliser à ce que nous apporte la nature et la forêt.

2) La deuxième action emblématique est le dispositif forestier sapeur : les forsaps. Depuis les grands feux de1986, le conseil général s'est investi dans ce dispositif, compensant même à partir de 1990, le désengagement financier des autres partenaires. Dans le cadre d'une convention quadriennale signée avec l'ONF en 2003, le conseil général prend à sa charge les salaires de ces 175 ouvriers forestiers dont le statut est en cours d'évolution. Leur mission est d'entretenir les équipements DFCI existants, surveiller les massifs, intervenir sur les feux naissants ou lors de grandes crises, réaliser des travaux de débroussaillement. Ils sont répartis sur 13 bases.

Le conseil général assume également l'achat et l'entretien d'un parc de 170 engins allant du tracteur débroussailleur au pick-up pour une valeur à neuf de 12,76 millions d'euros.

Enfin le conseil général a équipé ce dispositif d' un réseau de transmission fonctionnant à partir de 17 stations relais automatiques installés sur les sommets les plus importants du département, de 16 stations fixes et  de 500 émetteurs-récepteurs individuelles.

8 millions d'euros de fonctionnement par an, et 1,68 millions d'investissements subventionnés globalement à hauteur de 20% par l'Etat, voilà la réalité de l'effort du conseil général.

3) La troisième action emblématique, celle là en devenir, est la politique bois-énergie. La volonté du conseil général s'est concrétisée par la réalisation d'une chaufferie au bois automatique de 2x500 kw au collège de Roquebillière. En 2001 nous avons lancé la transformation au bois énergie des chaufferies de 2 autres collèges à Saint Laurent et Mougins. Et nous avons décidé de chauffer au bois tous les collèges qui seront nouvellement construits comme à Saint Vallier et Valbonne.

Enfin, pour structurer la filière, nous étudions la possibilité de créer un réseau chaleur fonctionnant au bois  sur le centre administratif de la plaine du Var en même temps que nous portions à 80% de la dépense d'investissement notre taux d'aides financières aux communes rurales optant pour cette énergie.

Je vous rappelle que 67% de la forêt de la Vésubie et 39% de celle de la Tinée sont composés de feuillus dont la valorisation peut se faire par le bois énergie même si 74% des 20 000 hectares que couvrent ces forêts ont un accès difficile.

A la suite du catalogue à la Prévert que je viens de vous énumérer, certains pourraient dire que l'action du conseil général des Alpes maritimes, si importante soit elle, ne suffit pas à cacher la misère forestière française.

Je vous l'accorde.

En tant qu'élu rural, je connais suffisamment les budgets des communes forestières pour ne pas savoir qu'elles ont de plus en plus de mal à faire face à un dramatique effet de ciseaux : l'effondrement des prix de vente du bois et la diminution des crédits budgétaires.

Les ventes de bois, en baisse de 7%, en 2004 à 169 millions d'euros, n'arrivent plus à équilibrer la prise en charge de la multifonctionnalité de la forêt. C'est également le cas dans ce département où Gaston Franco vous le confirmera, plus de la moitié du bois mis en vente en bord de route n'a pas trouvé preneur l'an dernier, seuls 30% des coupes proposés ont été effectués.

En 1999, avant les grandes tempêtes, la recette globale des ventes de bois des communes forestières françaises atteignait 265 millions d'euros. En 5 ans, les communes forestières auront perdu 100 millions d'euros.

Et pour cause, le prix moyen du m 3 de bois est passé de 78 euros en 1980 à 26 euros en 2004, soit une diminution des deux tiers de sa valeur.

En ce qui concerne le bois azuréen, de faible valeur économique le bilan financier est encore plus désastreux.

Avec les nouvelles fonctions dévolues à la forêt, (accueil du public, préservation du paysage) le déséquilibre financier risque donc de s'accroître.

J'ai bien entendu la proposition de la FNCOFOR de création d'un système de rémunération pour les services liées à la forêt (protection des sols, préservation de la qualité de l'air et de la biodiversité, accueil du public, etc?).

J'ai noté la demande de voir préciser dans la loi sur l'eau la place de la forêt et la nécessité d'avoir un volet forestier dans la future loi d'orientation agricole.

Le président Christian Estrosi soutiendra au parlement ces demandes.

Dans les Alpes Maritimes, nous avons le sentiment d'être aller jusqu'au bout des aides possibles. Nous sommes allés jusqu'à financer la création d'une AFA pour relancer la châtaigneraie de la Tinée décimée par la maladie du chancre.

J'ai personnellement, au titre du Gal du Mercantour, mobiliser des crédits européens Leader plus pour cartographier numériquement l'ensemble des forets, préalable indispensable à sa mise en valeur. 

Depuis 2001, le département a intensifié son soutien financier à l'association des communes forestières des Alpes Maritimes qui regroupe 109 adhérents, par la signature d'une convention multipartite garantissant le financement de ses actions à hauteur de 80% avec un plafond annuel de 50 000 euros pour le département.

Dans les Alpes Maritimes, comme partout en France, je suis persuadé que la mise en valeur de la forêt passe également par le tourisme, donc l'accueil en forêt.

Des conventions sont en cours, soit au titre de Natura 2000 soit sur d'autre programmes pour essayer de développer localement des projets, comme dans le massif du Lauvet d'Ilonse, la foret de Clans, celle de Turini.

Je souhaite que l'Etat et la Région s'investissent chaque fois à nos cotés.

Quant à l'Europe, puisque le sujet est d'actualité, je pense qu'elle a bien compris la dimension environnementale de la foret, puisque c'est désormais cette notion qui devient le pilier de la contractualisation .

Reste à mobiliser localement les crédits disponibles et, surtout, à les rendre « lisibles » pour les bénéficiaires. C'est d'ailleurs un lieu commun pour toute la politique agricole commune. Je pense que globalement personne ne nie l'impact positif de ses flux financiers, mais leur lourdeur et la difficulté de leur décryptage n'est pas propice à leur bonne lisibilité par l'agriculteur de terrain. Permettez moi de vous dire, qu'avec le président Christian Estrosi, nous pensons que la nouvelle constitution devrait améliorer les choses.

Au total, j'ai la conviction que la forêt doit adopter un nouveau « business plan », comme disent les créateurs de start up, un « business plan » basé non pas sur un modèle de développement unique, comme l'abattage du bois, mais sur l'addition de centres de profits diversifiés autour desquels propriétaires privés et collectivités locales pourront se retrouver.

Les exemples réussis de cette forêt multifonction véhiculés par l'association Forestour, notamment dans le Var, doivent nous inciter à accélérer le mouvement. Il est grand temps.

Enfin, je ne voudrai pas terminer mon propos sans mettre en avant l'aspect civique que doit prendre la défense de la forêt. Le journal Le Monde, dans son édition datée du jeudi 26 mai tire la sonnette d'alarme sur les proportions alarmantes que prend la déforestation sur la planète. 140 000 km² soit la superficie de la Grèce disparaissent chaque année. Une étude du WWF fait apparaître que la demande chinoise qui consomme deux fois plus de bois qu'elle n'en produit, continuera à déséquilibrer le marché au cours des prochaines décennies.

On peut avoir deux visions de la forêt, une vision à court terme synonyme d'entrave au développement puisque la foret est le milieu dans lequel vit 90% de la population pauvre de la planète.

Mais il existe une deuxième vision de la foret, en tant que facteur de richesse à long terme, en matière d'eau potable, de biodiversité, de climat, bref de moteur du développement durable.

Vive donc les propriétaires de forets privés et publics, ceux sont les gardiens de notre avenir. En les aidant, nous ne faisons ainsi qu'obéir à un devoir civique à l'égard des prochaines générations.

Je vous remercie de votre attention