Rapport moral du Président Yann Gaillard - 27 mai 2005

Rapport moral du Président Yann Gaillard - 27 mai 2005Assemblée générale de la Fédération nationale des Communes Forestières de France, Opio - 27 mai 2005

RAPPORT MORAL DU PRESIDENT

Lors de notre AG 2004, Hervé Gaymard avait été ferme sur deux points, le maintien du versement compensateur et le Fonds d'Epargne forestière.

Sur le premier point, il a tenu parole : l'établissement de la loi de finances 2005 ne nous a pas valu les mêmes péripéties que l'année précédente où il nous avait fallu nous battre comme des beaux diables et faire remonter 1080 délibérations pour obtenir l'abandon de la réduction envisagée par l'Etat. La loi de finances pour 2005 a remis le versement compensateur à son niveau, 144,7 M€, merci monsieur le Ministre. Nous avions gagné la bataille pour 2004, il n'y a pas eu de combat pour 2005 ; pour 2006, je compte bien qu'il en sera de même.

Mais la guerre n'est sûrement pas finie, on peut craindre que d'autres tentatives soient lancées pour grignoter ce que certains ressentent comme un avantage exagéré. Alors, soyons clair : nous nous battrons bec et ongles pour défendre cette subvention sans laquelle la forêt communale ne tiendrait pas, sans laquelle la forêt communale ne pourrait apporter à nos concitoyens l'ensemble des biens et services qu'elle leur fournit, sans laquelle le régime forestier tomberait. Et la politique forestière nationale avec lui. Et l'ONF.

Sur le Fonds d'Epargne Forestière, satisfaction nous a été donnée également. Certes quatre ans après le vote de la loi forêt de 2001 au sein de laquelle un amendement parlementaire l'avait introduit ! Et combien d'années après la première évocation de l'idée de cette mesure en faveur de l'investissement forestier des communes forestières ? Et ce FEF arrive à un moment où les communes forestières n'ont guère d'argent à épargner - j'y reviendrai ! Mais ne boudons pas notre plaisir. L'outil est là ; il donne, pour la première fois, à une commune  la possibilité de placer ses économies forestières sur un compte rémunéré et d'obtenir une prime de l'Etat pour un investissement forestier. L'outil est là, disais-je, enfin il est presque là : le décret a été publié le 15 avril. Les arbitrages sur les termes techniques ont été prononcés et l'arrêté devrait rapidement sortir. Restera alors à désigner l'établissement bancaire gestionnaire du fonds. Nous serons, soyez-en sûrs, très attentifs jusqu'au bout, jusqu'à ce que le Fonds d'Epargne Forestière soit pleinement opérationnel.

Lors de notre assemblée générale du 25 juin 2004, j'avais saisi le ministre de mille questions et il m'avait fidèlement répondu sur toutes ces questions qui font le quotidien de notre fédération et ... sa charge de travail ! Je ne veux pas aujourd'hui reprendre un tel inventaire. Je m'en tiendrai à deux points, le travail parlementaire et le travail partenarial.

Mon ami Jean-Claude Monin, président-délégué, évoquera dans un instant un autre volet particulièrement fort de notre action, la politique territoriale de la forêt, et il y abordera  deux points  qui y sont directement liés et qui sont au coeur de l'actualité de la forêt :

  • le bois-énergie qui constitue aujourd'hui une piste d'action au profit de la forêt et du développement local que la FNCOFOR veut privilégier ;
  • et le carbone, nouveau champ d'investigation pour lequel l'ASFFOR (association des sociétés et groupements fonciers et forestiers) et la FNCOFOR ont proposé au ministre de l'Agriculture d'engager une étude pour identifier les mécanismes possibles d'allocation de quotas de carbone aux producteurs de bois et à la filière bois et définir leurs modalités de mise en oeuvre. L'étude devra évoquer aussi les certificats d'économie d'énergie mis en place par la loi d'orientation sur l'Energie.

La loi « Développement des territoires ruraux » nous a beaucoup occupés. Nous y sommes intervenus, non pas de façon isolée, mais en lien  avec nos partenaires de l'association France Forêt, d'une part, de l'Association des Elus de la Montagne, d'autre part.

Qu'avons-nous obtenu ? Le texte n'apporte pas d'évolutions décisives sur la forêt, mais tout de même certains points valent d'être notés, j'en citerai rapidement trois :

  • - l'évolution des modes de vente avec la mise à parité des différentes formules de mise en vente des bois, adjudication, appel d'offres ou vente de gré à gré – il devient ainsi possible de choisir librement le mode de vente le mieux adapté au contexte commercial ; avec aussi la possibilité de mettre en vente des lots composés de produits provenant de plusieurs forêts : on se rappelle les difficultés rencontrées par la fruitière de Franche-Comté sur cette question !
  • l'introduction d'une formule d'indemnisation des dégâts de gibier, certes une première et très prudente formule puisqu'elle ne concerne que les propriétaires qui ne louent pas leur droit de chasse et n'en retire aucun profit. Considérons qu'il s'agit là d'un premier pas sur cette difficile question...
  • quelques mesures au profit de la forêt de montagne, la possibilité d'affecter la taxe sur les remontées mécaniques à l'entretien des forêts, la possibilité de créer une servitude  pour les opérations de débardage par câble.

La loi d'orientation sur l'énergie, en cours de finalisation, n'est pas du tout favorable au bois : mes interventions au Sénat pour seulement introduire le mot « bois » n'ont guère été entendues et m'ont valu les « sarcasmes » du ministre de l'Energie. La TVA à 5,5% sur le bois-énergie a été une nouvelle fois écartée. Non, ce n'est pas une loi qui appuie le bois...

Maintenant arrive sur le métier la loi d'orientation agricole : M.Bussereau entend que la forêt y soit très présente :

  • à travers notamment le bois-énergie (la fameuse baisse du taux de TVA sur le bois énergie à usage non-domestique, le « développement de filières performantes de production et d'approvisionnement de plaquettes forestières »),
  • à travers la reconnaissance du rôle de la forêt et du bois dans le stockage durable du carbone. Sur ces deux points nous sommes tout à fait d'accord et avons fait des propositions concrètes au ministre.

Nous lui avons demandé aussi de rajouter deux thèmes dans la loi :

  • la prise en compte de la multifonctionnalité et la reconnaissance des services apportés par la forêt au travers des démarches de territoire
  • le soutien à la gestion durable de la forêt de montagne par une aide à l'exploitation des peuplements à fort handicap d'accessibilité.

Monsieur le ministre, dans le contexte de forte déprime que connaît le marché du bois - déprime qui devient véritable dépression chez nombre d'acteurs de la filière forêt bois -, l'ensemble de ces questions sont de la plus haute importance et nous vous demandons votre plein engagement dans cette démarche législative.

En ce qui concerne maintenant le travail partenarial, j'évoquerai deux volets : l'interprofession et, selon la formule consacrée, « notre partenaire naturel », l'ONF.

Dans le paysage forestier, il y a de multiples acteurs et, d'évidence, une organisation de filière est une nécessité. Les producteurs l'ont compris depuis un moment déjà en créant France Forêt qui regroupe l'amont forestier c'est-à-dire la forêt privée, FNSPFS et UCFF, et la forêt publique, l'ONF et la FNCOFOR.

L'union de l'ensemble des acteurs est plus difficile ; le sujet de la CVO, contribution volontaire  obligatoire, a constitué une pierre d'achoppement, il y a ceux qui acceptent la CVO et ceux qui la refusent. Deux structures se sont ainsi créées, le Conseil Forêt Bois qui regroupe tous les membres de la filière et qui est une instance de débat et de réflexion ; et France Bois Forêt qui réunit les acteurs décidés à mettre en place la CVO : nous en faisons partie (nous avons voté en assemblée générale l'an dernier) ainsi que les autres producteurs, ONF et forêt privée, la FNB, les artisans de la CAPEB et la fédération du Bâtiment Charpente Menuiserie Parquet –il y manque la deuxième transformation, UIB, papetiers, panneaux et c'est bien dommage !
 

Dans le contexte de crise du marché du bois que nous connaissons, France Bois Forêt est porteuse d'un projet collectif de redynamisation de la filière. Trois axes seront privilégiés : la communication,  l'information économique,  l'accompagnement logistique.

Nous veillerons à ce que cette interprofession, très souhaitée par le ministre, soit efficace. Nous veillerons à ce que les actions qui seront financées avec la CVO, donc avec notre argent, soient des actions utiles, c'est-à-dire pour parler clair et cru, des actions qui permettent d'améliorer la vente des bois locaux, qui aident à mieux vendre nos bois.

Le partenariat, c'est aussi et bien sûr l'Office National des Forêts.

Je salue M. Drège, je salue ses collaborateurs, Mme Rey, les directeurs nationaux, M.Laurens, le directeur territorial et ses collègues de PACA qui ont pris une part active à l'organisation de nos tournées d'hier, je les en remercie.

M. le Directeur général, nous avons signé ensemble le 16 octobre 2003 notre nouvelle charte de la forêt communale. Cette charte veut mettre en place un esprit de partenariat adulte et responsable. Je ne suis pas convaincu que nous y soyons encore parfaitement arrivés : l'ONF tuteur du régime forestier, oui ; tuteur des communes forestières, non !  Cette attitude ne  doit plus exister. A l'élu, la compétence du décideur ; au forestier, celle du technicien. Il est indispensable que nous fassions pleinement vivre l'esprit de notre charte.

Le climat commercial rajoute à l'urgence.

2004, après 2003, après 2002, etc. a été une mauvaise année. L'agrégation nationale des chiffres gomme les disparités selon les essences ou les régions mais elle exprime une réalité globale et incontournable: la chute des recettes forestières des communes !

2004 au total c'est –7% des recettes et une baisse encore de –9% sur le prix unitaire moyen par rapport à l'année précédente. Autre chiffre : en 1999, les ventes de bois rapportaient 265 M€ aux commune forestières, en 2004 ce chiffre est tombé à 168 M€ ; une perte de 100 M€ ! Quel choc !

Et dans le même temps, les coûts des travaux augmentent ! Et dans le même temps, les demandes de nos concitoyens sont plus nombreuses et plus fortes. Il y a là un effet de ciseau insupportable.

Je disais tout à l'heure les ouvertures qu'apporte la loi DTR en matière de commercialisation : elles doivent pouvoir nous aider à sortir de l'ornière ! Il nous faut, monsieur le directeur général, définir ensemble, dans le dialogue,  la façon de les utiliser.  Il nous faut revoir ensemble la place des élus dans le processus de décision. Et il importe que la grande maison ONF prenne pleinement en compte les demandes des communes forestières et se donne les moyens d'y répondre. Signe fort, confirmation  de cet engagement, la concrétisation pourrait en être la transformation pour l'après 2006 du contrat bipartite Etat/ONF en un contrat tripartite Etat/ONF/FNCOFOR.

Au-delà, la question se pose du devenir de la forêt.  A lui seul, le bois ne paye plus la gestion forestière ; les communes forestières partagent pleinement l'objectif de la multifonctionnalité, mais comment la payer ? Quelle forêt voulons-nous ? Quel modèle forestier devons-nous adopter en réponse aux attentes de nos concitoyens ? Quelle forêt devons-nous façonner face à l'augmentation des risques de tempête et à l'élévation des températures ?- l'avenir est-il au baobab ? !

Et quelle est notre marge de manoeuvre au sein d'un marché qui s'organise au niveau mondial ? Voilà un ensemble de questions qui ne sont pas propres à la forêt communale, qui interpellent tous les acteurs forestiers, qui interpellent nos ministres de l'Agriculture et de l'Ecologie : sur ces interrogations, je voudrais que nous ouvrions une réflexion intellectuelle et scientifique.

Je terminerai, mes chers amis, sur ce constat tout simple : l'union fait la force !

Dans cet environnement pesant, il importe que nous soyons forts, nombreux, unis, pour mieux faire entendre notre voix, pour mieux faire respecter nos spécificités. Je me réjouis de la création des quatre associations de Saône-et-loire, Yonne, Ardèche et Hérault ; je me réjouis de la création de l'union régionale Champagne-Ardenne. Créons une association départementale dans les départements où il n'en existe pas encore. Réunissons nos associations départementales en unions régionales tant la région devient un échelon pertinent de décision en matière forestière.

Soyons nombreux, soyons unis, soyons actifs !

Je vous remercie.

Opio, 27 mai 2005